Allemagne, génocide guerre totale jusqu’au dernier enfant

La Shoah une rupture de civilisation

 Extrait

 « La véritable partie plaignante à votre barre est la Civilisation », déclara le procureur américain Robert Jackson, devant le tribunal militaire international, à l’ouverture du procès de Nuremberg (20 novembre 1945).

Mais de quelle Civilisation pouvait-il encore s’agir ? « C’est en Allemagne que se produisit l’explosion de tout ce qui était en train de se développer dans tout le monde occidental sous forme d’une crise de l’esprit, de la foi » concluait au sortir de la Seconde Guerre mondiale le philosophe Karl Jaspers.

Le surgissement inédit dans le conflit démocratique d’un parti constitutivement criminel fut une éventualité qui n’avait jamais été envisagée par aucun des laudateurs ou détracteurs de la démocratie.

Que le nazisme ait pu s’emparer de l’appareil d’État allemand et le mettre en affermage, constitue dorénavant un fait irréversible et irrémissible. Un tel fait impose au projet humaniste des corrections. À l’épreuve du nazisme, on peut s’interroger sur les conditions qui ont présidé au désarmement de l’intelligence démocratique quant à sa capacité de discernement. Cela revient à établir l’hypothèse d’un défaut inscrit dans l’humanisme occidental : celui de la difficulté à penser et à identifier le Mal.

Aborder cette destruction dans la Destruction que fut l’extermination des enfants juifs et tziganes, ne peut qu’accroître l’effroi panique qui saisit tout humain interrogé sans faux-fuyants par ce que l’homme peut faire à l’Homme.

Mais il y eut aussi des hommes et des femmes qui répondirent à la convocation des traqués, à l’éthique du Deutéronome biblique : « Choisis la vie », contre le déchaînement des forces mortifères.

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Ce que « génocide » peut vouloir dire

La notion de « génocide » est d’introduction récente. Liée à la définition de l’extermination des populations juives par le nazisme. Elle est apparue en 1944, construite par le juriste Raphaël Lemkin, en écho à la conception « racialiste » du monde affichée par les nazis. Du grec genos : naissance, race.

Vers les années 1970, son emploi s’est étendu à la destruction méthodique d’un groupe ethnique (arménien), social (populations urbaines du Cambodge). Puis, prise dans ce processus d’anomie lexicale, d’appauvrissement du vocabulaire, inhérent à la production du « blabla » mass médiatique, elle a dérivé vers la désignation de tous les meurtres de masse, en ne consignant dès lors sous son appellation que le caractère quantitatif, comptable, des massacres. Enfin prise dans les rhétoriques triviales des slogans et de la propagande, elle a perdu tout sens du réel et de l’à-propos. Aujourd’hui cette dérive, cette extension, est allée au point que nous pouvons entendre, chez des militants radicaux de la « deep ecology », évoquer le « génocide des arbres » en Amazonie.

Pourtant, malgré et contre ce délabrement lexical, l’appellation de « génocide » demeure consistante, au motif seul qu’un génocide se reconnaît d’avoir comme projet l’extermination des enfants jusqu’au dernier.

Le génocide est dans sa définition une guerre totale délibérément livrée jusqu’au dernier enfant. Nous en avons eu encore un exemple au cours du génocide (justement ainsi appelé) au Rwanda. Et avant la Shoah, des signes précurseurs de nature génocidaire s’étaient produits au cours du massacre des Arméniens.

Mais encore un génocide ne fait pas « que » tenter d’exterminer les enfants. Il attaque les fondements les plus intimes d’où se soutient la Civilisation. Il attaque l’amour et la responsabilité de l’Adulte vis-à-vis des enfants. Il inverse le processus civilisationnel qui fait de l’enfant une promesse, un devenir, un investissement spirituel et projectif dans l’Avenir. L’enfant appelle ce qui fonde l’humain dans l’Homme : l’empathie et la responsabilité. Reconduites de génération en génération.

Arrivée à la rampe

« Auschwitz, juin 1943. J’ai treize ans. C’est la sélection. On décide qui vivra, qui mourra. Mon père est en Angleterre et se bat aux côtés des Alliés. Je suis séparé de ma mère. Elle n’est pas revenue des camps. Ma tante préférée, Ruth, me disait jadis qu’il y avait toujours eu et qu’il y aurait toujours des gens « bons » et des gens « méchants ». »

Dessin et texte de Thomas Geve © Musée Yad Vashem à Jérusalem et Association Française Buchenwald Dora et Kommandos.

 

Extrait FRANCE TV Éducation

lire la suite  http://education.francetv.fr/matiere/epoque-contemporaine/premiere/article/la-shoah-une-rupture-de-civilisation

 

EN SAVOIR PLUS SUR THOMAS GEVE
Texte extrait du site http://ww2.ac-poitiers.fr/civique/spip.php?article472
Les dessins de Thomas Geve, rescapé des camps nazis à l’âge de 15 ans.

Thomas Geve jeune allemand, vit à Berlin avec ses parents.(…) Arrêté une seconde fois en juin 1943 avec sa mère, il est déporté à Auschwitz et miraculeusement jugé apte au travail malgré ses treize ans. Le 11 avril 1945, à l’approche des Américains, les détenus libèrent le camp au moyen d’armes enterrées par la Résistance mise en place depuis longtemps dans le camp.

Thomas Geve est trop faible pour être évacué tout de suite. Il demande à un camarade de lui trouver du papier et des crayons. Ce camarade lui apporte un bloc de formulaires SS comportant des feuillets de 10 x 15 cm, et cinq petits crayons de la taille d’un mégot de cigarette.

Pendant un mois, Thomas Geve reste à l’infirmerie de Buchenwald et fait 79 dessins résumant ce qu’il a vu, entendu, retenu durant sa détention à Auschwitz, à Gross-Rosen et à Buchenwald. Soucieux de témoigner, il réalise des dessins à caractère encyclopédique, extrêmement structurés et organisés, qui lui permettent de dire le plus de choses possibles sur un minimum de place.