Tuer l’indien dans le cœur de l’enfant

Adopté au Canada en 1876, l’Indian Act avait pour but de faire des Amérindiens des citoyens de seconde zone séparés de la population blanche, et de sédentariser un peuple nomade pour mieux contrôler ses territoires et ses ressources.

Un génocide culturel, des générations d’enfants violentés : une enquête implacable sur l’origine des traumatismes qui hantent les communautés autochtones du Canada.

« Ils nous ont détruits parce qu’ils voulaient notre terre. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? J’étais juste un enfant. » Dans les deux mille réserves amérindiennes du Canada, les communautés des Premières Nations tentent de survivre aux traumatismes causés par la politique d’acculturation du gouvernement. Adopté en 1876, l’Indian Act avait pour but de faire de leurs membres des citoyens de seconde zone séparés de la population blanche, et de sédentariser un peuple nomade pour mieux contrôler ses territoires… et ses ressources. L’Église et l’État ont tenté de faire des enfants amérindiens de « bons petits chrétiens » et de les « civiliser » en les enfermant dans des « pensionnats autochtones », dont le dernier n’a fermé ses portes qu’en 1996. Des générations de filles et de garçons furent arrachées à leurs parents et victimes de tortures (notamment à la chaise électrique) et de viols. L’alcoolisme, la toxicomanie, les féminicides et les vagues de suicides qui frappent aujourd’hui les Amérindiens en sont les conséquences directes.

Les racines du mal

C’est un tabou à l’échelle du Canada : gigantesque, profond, glacial. Alors que quelques procès sont intentés, les défenseurs des Amérindiens se sont aperçus avec stupeur que le gouvernement falsifiait les preuves et effaçait des archives le nom des présumés coupables. Dénonçant un véritable génocide culturel, le film de Gwenlaouen Le Gouil (Rohingya, la mécanique du crime) se veut un voyage initiatique aux racines du mal qui ronge les cultures amérindiennes. Malgré la sidération que provoquent les faits qu’il éclaire, malgré la parole de ceux dont l’identité est battue en brèche, Tuer l’Indien… ne bascule pas dans un dolorisme sans espoir. Une nouvelle génération de combattants est apparue aux côtés des survivants, gardiens de la mémoire disposant d’outils plus modernes pour défendre leur dignité face à un gouvernement au cynisme inchangé.

 

Réalisation : Gwenlaouen Le Gouil
Pays :  France  –  Année :  2020
PRIX SPÉCIAL DU JURY parrainé par le Conseil Régional Hauts de France
TUER L’INDIEN, DANS LE CŒUR DE L’ENFANT de Gwenlaouen Le Gouil
TV Presse Productions avec la participation d’Arte et le soutien du CNC

pour aller plus loin ..

Vies volées: Les Peuples Autochtones au Canada et le régime des pensionnats
Découvrez les pensionnats autochtones et leurs effets à long terme sur les Peuples Autochtones au Canada.

Un témoin Théodore Fontaine délivre son histoire  , extrait de « Facing History » qui abordent le racisme, l’antisémitisme et les préjugés à des moments charnières de l’histoire; afin d’aider les élèves à relier les choix faits dans le passé à ceux qu’ils affronteront dans leur propre vie.

Avant-propos par Théodore Fontaine

« Serez-vous heureux un jour? » Une élève de 5e année m’a posé cette question après une présentation de mon expérience dans les pensionnats autochtones devant sa classe. Après avoir raconté mon histoire à plus de 300 auditoires à travers le Canada et les États-Unis, et répondu à un grand nombre de questions, personne ne m’avait jamais posé cette question, et je ne savais pas vraiment quoi répondre.

Pendant plus de 100 ans, les enfants des Premières Nations et des Inuits ont été arrachés à leur foyer et à leur communauté pour être enfermés dans des pensionnats, présents dans l’ensemble du Canada, en raison d’une politique fédérale adoptée par le Parlement du Canada. La politique sur les pensionnats autochtones n’était pas destinée à appuyer ou à scolariser notre Peuple, mais plutôt à nous enlever du chemin de colons et à nous interdire l’accès aux vastes ressources naturelles du Canada. La mise en œuvre de cette politique, exécutée principalement par les églises au nom du gouvernement canadien, visait à détruire notre héritage culturel et linguistique, nos libertés juridiques et religieuses, nos structures gouvernementales et sociétales, et l’identité même des Peuples Autochtones du Canada. La politique du Canada ciblait les enfants pour assurer une destruction continue d’une génération à l’autre. J’étais l’un de ces enfants, incarcéré dans les pensionnats autochtones pendant 12 ans, arraché aux miens quelques jours seulement après mon septième anniversaire.

Les gens me demandent souvent ce qui m’est arrivé dans ces écoles. Pourquoi mes parents m’ont-ils laissé là? Est-ce que j’ai parlé à quelqu’un des abus que je subissais? Les adultes me demandent pourquoi ils n’étaient pas déjà au courant de cette histoire. Est-ce que j’ai essayé de m’enfuir? Est-ce que je pardonne aux agresseurs? Les enfants me demandent pourquoi je ne pouvais pas revenir à la maison pour dormir et ce que je mangeais. Est-ce que j’ai informé le directeur? Est-ce que nous avions la télévision? J’ai essayé de répondre à ces questions et à plusieurs autres en racontant mon expérience dans un livre intitulé Broken Circle: The Dark Legacy of Indian Residential Schools, A Memoir.

Avant le pensionnat, je menais une vie heureuse et joyeuse avec ma famille, mishoom et kookum (grand-père et grand-mère) et mes tantes, mes oncles, et mes cousins et cousines. Je parlais seulement l’ojibwé et je contribuais au bien-être de nos foyers en rapportant de l’eau, du bois et parfois un peu de nourriture pour notre famille. Pendant les 12 années qui ont suivi, j’ai été enfermé, puni quand je parlais ojibwé et ostracisé parce que j’étais un Indien. On m’a martelé que nos semblables étaient des gens mauvais, que l’ojibwé était une langue de sauvage, que nous étions inférieurs à nos gardiens. J’ai subi tous les types d’abus : physiques, sexuels, mentaux et spirituels. Au cours de mes nombreuses années de guérison et de réconciliation, j’ai confronté ces préjudices et ces abus du mieux que j’ai pu. En écrivant Broken Circle, certains abus étaient trop difficiles à raconter, mais j’ai tenté de révéler au moins un exemple de chaque type d’abus. Ces exemples étaient bien mineurs par rapport aux pires abus que j’ai subis.

 

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L’expérience des États-Unis se compare à la nôtre en ce qui a trait à l’Indien adulte. Il y a peu qu’on puisse faire avec lui. Il peut apprendre à exécuter quelques travaux agricoles et l’élevage de bestiaux, ainsi qu’à s’habiller d’une façon un peu plus civilisée, mais c’est tout. L’enfant fréquentant l’école de jour apprend peu lui aussi et il oublie bien vite ses quelques connaissances acquises vu qu’il est façonné par son milieu familial et son aversion héritée pour le dur labeur n’y est en aucune façon opposée…

Le caractère indien, si mystérieux pour certains n’est pas difficile à comprendre. On parle parfois de l’Indien comme d’un enfant, mais il est très loin d’être un enfant… L’Indien est un homme avec ses propres traditions, pour qui la civilisation est un casse-tête désespérant. Il est tout aussi capable que les autres races de suspicion, de défiance, de blâme, de manque de sincérité et de flatterie. Il est astucieux, mais conscient de la faiblesse de ses astuces par rapport à la ruse supérieure de l’homme blanc…

Davin et sa génération croyaient en ce que J. A. Macrae, l’inspecteur du ministère des Affaires indiennes pour le Nord-Ouest a déclaré en 1886 :

Les conditions d’existence de l’Indien l’empêchent de suivre le fil de l’évolution qui a fait des barbares du passé les hommes civilisés d’aujourd’hui. Il est impossible pour lui de passer lentement à travers les étapes successives de la vie pastorale à la vie agricole et de la vie agricole à la fabrication ou au commerce comme nous l’avons fait. On lui a demandé de façon soudaine et sans avertissement d’entrer dans une nouvelle existence. Sans l’aide du gouvernement, il aurait échoué et péri misérablement, ce qui aurait entraîné des dépenses pour le pays et la disgrâce de notre patrie.

À son apogée, le système de pensionnats était dirigé par un « assimilationniste » extrême du nom de Duncan Campbell Scott.
Scott, un fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes, est largement reconnu comme le plus ardent partisan des pensionnats et des politiques associées à ceux-ci : le retrait, avec leur consentement ou par la force, de dizaines de milliers d’enfants autochtones de leur foyer, certains aussi jeunes que deux à quatre ans; les tentatives de priver ces enfants de tout lien avec leurs parents; l’établissement d’un système sous-financé et volontairement négligent où des milliers d’enfants ont péri en raison de la malnutrition, de soins médicaux inadéquats et de maladies; la création d’un système d’éducation où le travail des enfants était la norme et où la réussite scolaire était gravement compromise; et le manque constant de supervision et de reddition de comptes dans un système où les abus physiques et sexuels étaient généralisés.

 

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