Les enfants victimes de génocide : le cas arménien

Les enfants victimes de génocide : le cas arménien

par Vahakn N. Dadrian

 

5ème Congrès biennal international de l’Association Internationale des Chercheurs sur le Génocide

Irish Human Rights Center, Galway, Irlande, 6-10.06.2003

Journal of Genocide Research, vol. 5, n° 3, 2003

Children as Victims of Genocide : The Armenian Case

 

Panorama d’ensemble

Le massacre, organisé au niveau central, des Arméniens de l’empire ottoman durant la Première Guerre mondiale est considéré comme le premier génocide majeur du 20ème siècle. En outre, nombre de chercheurs sur le génocide (Y. Bauer, L. Davidowicz, I. L. Horowitz, I. Charny, R. Rubenstein) admettent, selon des modalités diverses, que le génocide arménien fut plus qu’un simple précédent. Il opère en réalité un lien avec la Shoah qui suivra, du fait de l’impunité qui fut accordée par le monde civilisé aux perpétrateurs de ce génocide. Ce n’est donc pas un hasard si, sur le mur en granite de la salle d’exposition du Musée de la Shoah à Washingon, D.C., la déclaration suivante d’Hitler est gravée en lettres majuscules : « Après tout, qui parle aujourd’hui de la destruction des Arméniens ? » Le dirigeant nazi rassurait ses commandants en chef à la veille de la Seconde Guerre mondiale quant au fait que ses initiatives génocidaires imminentes tomberaient elles aussi probablement dans l’oubli.

Comme le génocide renvoie à l’extermination systématique d’un groupe religieux, ethnique ou national donné, les victimes de ce crime capital incluent invariablement les enfants, qui font souvent partie intégrante de la population. Ce qui explique que le thème du destin génocidaire des enfants arméniens ait été généralement pensé dans le cadre de celui de toute une population victime et n’ait donc pas été traité en tant que thème d’étude à part et distinct. Ce qui peut se comprendre au niveau opérationnel du crime de meurtre de masse, où les distinctions d’âge, de sexe, de statut socio-économique, de religion, d’origine ethnique ou de nationalité tendent à se dissoudre brusquement, s’effondrant toutes au sein d’une catégorie indifférenciée de population, cible d’une destruction imminente. Or, ces dernières années, des efforts ont été entrepris afin de discerner certains traits ou modèles qui ressortent, concernant le traitement génocidaire des enfants. Notre étude se propose d’apporter un point de vue à travers lequel les enfants sont considérés comme une sous-catégorie à part, au sein de la population victime globale.

L’étude du génocide arménien permet l’identification et l’examen de cette sous-catégorie. Plusieurs facteurs jouent un rôle dans ce cas, mais plus particulièrement l’idéologie du groupe perpétrateur, l’arrière-plan historique du conflit turco-arménien et les outils utilisés pour le meurtre de masse. Un bref commentaire à cet égard s’impose donc.

Contrairement à plusieurs autres exemples de génocide au 20ème siècle, le génocide arménien ne constitue pas un phénomène sui generis, mais plutôt le point culminant d’un processus historique. En tant que tel, il fut précédé par des décennies de plusieurs séries de massacres périodiques, qui laissèrent les perpétrateurs à l’abri de toutes poursuites et d’une justice finale vengeresse. Redoutant de manière prévisible les foudres des grandes puissances européennes, les perpétrateurs de ces massacres, notamment ceux de 1894-1896, agirent avec une certaine retenue, les femmes et les enfants étant pour l’essentiel épargnés. Au lieu de revêtir un caractère totalement exterminateur, ces massacres, ainsi que les dévastations à grande échelle qu’ils entraînèrent, finirent néanmoins par atteindre leur objectif consistant à désemparer la population arménienne de l’empire ottoman. Le fait qu’en 1915, lorsque le génocide fut lancé, durant la Première Guerre mondiale, cette même population s’était notablement reprise et était devenue une communauté viable et organisée, constitua un développement qui déconcerta les dirigeants Jeunes-Turcs, lesquels songèrent dès lors au génocide.

Le slogan opératoire fut : « Cette fois, on finira le boulot » ; autrement dit, aucune catégorie d’Arméniens n’échapperait à la destruction. L’impunité, dont bénéficièrent les perpétrateurs des massacres précédents, les enhardit suffisamment pour qu’ils se lançassent dans des opérations de meurtre de masse, sans distinction aucune. En conséquence, ces dirigeants décidèrent de s’appuyer sur des « meurtriers assoiffés de sang » [kanlý katil] comme instruments du massacre. Des milliers de délinquants et de criminels récidivistes furent sélectionnés et libérés des diverses prisons de l’empire ottoman à des fins de massacre ; ils ne devaient éprouver ni compassion, ni pitié envers les femmes, les enfants ou les infirmes. La variété des méthodes féroces et sadiques par lesquelles des milliers d’enfants arméniens furent massacrés reflète l’efficacité de cet aménagement administratif. Comme le reconnut un officier turc après la guerre : « Les pires crimes contre les Arméniens furent perpétrés par ces criminels. » [en büyük cinayetleri ika ettiler] (1).

Il existe un autre aspect relatif à cette condition de traitement différencié des enfants, lié au génocide arménien. Contrairement aux nazis racistes, par exemple, les Turcs ottomans appréciaient grandement la valeur du stock génétique qu’incarnaient les enfants arméniens ; ces derniers étaient considérés comme une ressource inestimable au regard de l’enrichissement du courant dominant de la nation turque. En conséquence, chaque fois que cela fut possible, les Turcs musulmans, ainsi que les orphelinats gérés par des Turcs nommés par le gouvernement, furent encouragés à recueillir une multitude d’orphelins arméniens, principalement des garçons, et de les élever en tant que Turcs, après quelques rituels symboliques de conversion à l’islam, dont des circoncisions collectives et des changements de patronymes. C’est avec cette toile de fond que le destin génocidaire des enfants arméniens durant la Première Guerre mondiale doit être pris en compte en termes de catégorisations.

La diversité des méthodes de liquidation des enfants

Une part significative des enfants arméniens, ainsi que deux autres segments principaux de la population arménienne de l’empire, à savoir les femmes et les vieillards, succomba du fait des grandes souffrances liées aux marches pénibles et épuisantes, durant les phases interminables de déplacements et de déportations vers les déserts désolés de Mésopotamie dans la Syrie actuelle. Ces marches furent conçues de manière à aggraver les souffrances en prolongeant délibérément, par exemple, les itinéraires, en prohibant nourriture et eau et en terrorisant via brutalités et mauvais traitements des déportés déjà très affaiblis. Rigueurs du climat, fatigue, faim, maladies et épidémies aggravèrent les souffrances des victimes, se combinant ainsi à un niveau mortel d’épuisement. Notons à ce sujet que l’absence dans ces convois de déportés d’hommes valides était due au fait que presque tous avaient été enrôlés au début de la Première Guerre mondiale, puis progressivement anéantis selon des modalités diverses.

Un autre ensemble important d’enfants arméniens fut victime d’une vaste série de massacres épisodiques organisés à travers tout l’empire, massacres qui furent par ailleurs d’une atrocité sans égale. Comme le note l’ambassadeur des Etats-Unis Henry Morgenthau, pour économiser « poudre et cartouches », les paysans musulmans des campagnes, agissant en tant que groupes d’appui auprès de bandes de criminels recrutés à des fins de massacres, utilisèrent « massues, marteaux, haches, faux, bêches et scies. De tels outils […] causèrent une mort plus horrible encore que les fusils et les pistolets […] » (2) L’énorme compilation de récits de témoins oculaires sur le génocide arménien, due au célèbre historien anglais Arnold Toynbee, abonde en détails sur ce genre d’atrocités (3).

Des preuves fiables indiquent que, dans l’organisation globale, la méthode de massacre direct devait en premier lieu s’appliquer aux opérations visant la population masculine des six provinces d’Anatolie. Ces provinces étaient celles de Sivas, Diyarbakir, Harpout, Erzeroum, Bitlis et Van ; auxquelles fut ajoutée celle de Trabzon. Toutes ces provinces, considérées comme des zones potentiellement sensibles ou des pommes de discorde dans le conflit turco-arménien persistant, furent placées sous la juridiction du haut commandement de la 3ème Armée ottomane, dont l’état-major se trouvait à Erzeroum. La liquidation impitoyable des hommes valides de ces provinces, dans une proportion estimée à 90 %, fut conduite de manière efficace durant le printemps et l’été 1915 par le général Mahmoud Kâmil, commandant en chef de la 3ème Armée. La population restante devait être liquidée de manière indirecte, à savoir via des marches de déportation épuisantes et interminables.

Or, du fait de l’interaction de plusieurs facteurs, y compris les lubies des organisateurs locaux respectifs en charge des massacres, les procédures d’anéantissement ne furent ni uniformes, ni régulières, pour autant que la différenciation entre massacre direct et déportation fût opérée.

La masse de la population arménienne de la province de Bitlis, par exemple, qui se composait presque entièrement de vieillards, de femmes et d’enfants, fut détruite à l’intérieur des frontières de cette province ; il n’y eut pas de déportation, pour ainsi dire. Mis à part la ville de Van, le reste de la population arménienne de la province de Van, laquelle, avec la province de Bitlis, contenait le berceau de la nation arménienne, fut de même exterminée via toute une série de massacres locaux. Dans les provinces de Sivas, d’Harpout, de Trabzon, d’Erzeroum et de Diyarbakir, ainsi que dans les sandjaks indépendants d’Ourfa et de Marach, le génocide fut mis en œuvre en partie au moyen des déportations et en partie via des massacres.

Dans toutes ces opérations, les enfants figurèrent dans la population générale ciblée en vue d’une destruction globale. Dans beaucoup de cas, ils furent aussi soumis à des formes distinctes et différenciées de massacre. Tel fut le cas chaque fois que les enfants constituaient un groupe distinct et séparé. Dans la province de Trabzon, par exemple, des milliers d’enfants furent autorisés à rester à l’arrière, tandis que les adultes étaient contraints de partir dans des convois de déportation. Dans les déserts de Mésopotamie, en particulier dans le district de Deir-es-Zor, des milliers d’enfants décharnés, qui avaient survécu tels des squelettes aux marches de déportation, furent de même ciblés en tant que catégorie distincte. A Erzinçan [Erzindjan], dans la province d’Erzeroum, des centaines d’enfants abandonnés constituèrent pareillement une cible spécifique.

Ce qui suit n’est qu’un aperçu des trois méthodes principales de massacre employées, à savoir les opérations de noyades, les immolations par le feu et les viols en masse, via lesquelles des milliers d’enfants arméniens connurent leur sort génocidaire durant la période 1915-1916. Comme le précisent le vice-consul d’Allemagne à Trabzon et un décret du gouvernement turc, les garçons et filles âgés de moins de 13 ans étaient considérés comme appartenant à la catégorie des enfants (4).

Trabzon : un microcosme de massacres d’enfants à plusieurs niveaux

Les opérations de noyades et les viols en série

Grande cité portuaire sur la Mer Noire et capitale de la province homonyme, Trabzon servit de test pour le génocide arménien. Quasiment chaque forme et chaque aspect de ce crime y furent conçus et mis en œuvre avec succès. Les données citées plus loin sont extraites d’une étude à paraître aux Presses de l’Université de Cambridge (5). Comme nous l’avons noté auparavant, quelque trois mille enfants se retrouvèrent orphelins dans différents bâtiments de Trabzon. Lors des auditions du Tribunal militaire turc, qui se tinrent au printemps 1919, une vingtaine de Turcs, dont des médecins, des officiers de l’armée, des officiels du gouvernement et des négociants, témoignèrent chacun sous serment, oralement et par écrit, sur les méthodes utilisées pour se défaire de ces enfants (6). Des médecins turcs, le docteur Ziya Fouad, inspecteur des services de santé, et le docteur Adnan, directeur des services sanitaires de la ville, déclarèrent sous serment, en se basant sur des preuves recueillies auprès de médecins turcs locaux, que le docteur Ali Saib, directeur de la Santé publique pour la province de Trabzon, empoisonna systématiquement les enfants arméniens conduits à l’hôpital du Croissant-Rouge de cette ville et ordonna de noyer dans la Mer Noire toute proche ceux qui refusaient de prendre son « médicament ». Autre méthode que le docteur Saib appliqua dans une demeure bondée d’enfants arméniens : le « bain de vapeur ». Via l’installation d’un système d’étuves militaires, ces derniers furent soumis à une vapeur chaude étouffante et ainsi instantanément tués. Le Père Laurent, Supérieur des Capucins français à Trabzon, déclara sous serment, avec l’aide d’un interprète, qu’il vit personnellement les cadavres des enfants morts empoisonnés être entassés dans de grandes et profondes corbeilles, par terre à l’hôpital, tels des animaux d’abattoir, puis jetés dans la mer voisine.

Ce même hôpital du Croissant-Rouge se réduisit à un lieu de plaisirs, où le gouverneur général de la province, Cemal Azmi, enferma quinze jeunes Arméniennes (10ème audience de la Cour Martiale, 12 avril 1919) pour y servir à ses fréquentes orgies sexuelles. Ce qui incita l’inspecteur des Douanes Nedim à dénoncer le gouverneur (16ème audience) et le lieutenant turc Hassan Maruf à révéler le fait additionnel qu’« après avoir commis les pires outrages, les officiels du gouvernement impliqués firent tuer ces jeunes filles ». Dans une étude séparée, un jeune Arménien, qui s’était lié d’amitié avec le fils du gouverneur à Berlin, où ce dernier avait trouvé refuge, juste après la guerre, afin de fuir les poursuites en Turquie, livra d’autres éléments sur cet épisode de débauche meurtrière. Lors d’une de ses fanfaronnades concernant ces débordements, le gouverneur Azmi précisa ce qui suit à ce jeune Arménien, qu’il croyait être un Turc, ce dernier ayant à l’époque adopté intégralement une identité turque musulmane, y compris un prénom turc – Mehmet Ali -, étudié de manière approfondie le Coran, la loi sacrée musulmane, et s’être fait circoncire : « Parmi les plus jolies petites Arméniennes, âgées de 10 à 13 ans, j’en choisis plusieurs et je les offris en cadeau à mon fils [alors âgé de 14 ans] ; j’ai jeté les autres à la mer. » (7)

Durant ces mêmes cours martiales, Nouri, le chef de la police de Trabzon, reconnut avoir emmené à Istanbul plusieurs jeunes Arméniennes comme cadeau du gouverneur Azmi aux dirigeants locaux du Comité Union et Progrès (CUP) (9ème audience, 10 avril 1919). Des complaisances sexuelles similaires furent rapportées en liaison avec les agissements d’autres dignitaires du parti Jeune-Turc, comme le commissaire du CUP à Trabzon, Yenibahceli Nail, qui, selon le consul des Etats-Unis à Trabzon, Oscar S. Heizer, « détient une dizaine de jeunes filles des plus ravissantes dans une maison au centre de la ville » (8). Heinrich Bergfeld, consul d’Allemagne à Trabzon, avocat de métier et ardent turcophile, dans sa dénonciation des massacres à Trabzon, attire l’attention sur les « nombreux viols de jeunes filles ». Dans son verdict, publié au terme de la série des procès de Trabzon, le Tribunal souligne le fait que ces « viols en masse », « les violences exercées contre des victimes impuissantes » et le fait que « des jeunes filles soient déflorées [izaleyi bikr] [se soient produits] à l’hôpital, censé avoir une mission humanitaire. »

Un des traits les plus atroces des massacres d’enfants dans la province de Trabzon fut la méthode consistant à les noyer en masse, en utilisant la rivière de Trabzon, le Degirmendere, mais surtout les lignes côtières de cette ville portuaire, située sur la Mer Noire. Le témoignage le plus poignant sur ces opérations de noyades fut apporté par le député turc de cette province, Hafýz Mehmed, avocat de métier. Lors d’un discours à la Chambre des Députés du Parlement ottoman, le 11 décembre 1919, il révéla avoir vu personnellement comment, un jour, des femmes et des enfants arméniens furent embarqués sur des barges dans le port d’Ordu, dans la province de Trabzon, puis noyés en haute mer. Il déclara ensuite que la population locale se plaignit en ces termes : « Dieu nous punira pour ce que nous avons fait ! » Lors de la 15ème audience durant la série des procès de Trabzon, un marchand turc d’Ordu, Hüseyin, comparaissant en qualité de témoin, confirma cette opération de noyade. Dans son verdict, le Tribunal se réfère clairement à ces opérations de noyades collectives, ciblant en particulier « les enfants, garçons et filles » [zükur ve inas çocuklarý] avec l’aide de « criminels récidivistes » [cerayimi mükerrere]. Dans son discours mentionné plus haut, le député Hafiz Mehmed signale aussi que le gouverneur général de Trabzon, Djemal Azmi, aurait appliqué la même méthode de noyades dans le reste de la province. Cette attribution au gouverneur général fut confirmée par le général Mahmut (Cürüksulu) qui, à peu près à la même époque, déclara dans un discours au Sénat ottoman que Djemal Azmi avait autorisé les procédures d’extermination en masse pour toute la province.

Dans l’un de ses rapports les plus longs et les plus détaillés adressés à Washington, le consul des Etats-Unis à Trabzon, Oscar Heizer, se réfère de même à :

« […] un grand nombre d’embarcations. [Elles] furent chargées de gens en plusieurs temps [avec pour résultat que] de nombreux cadavres de femmes et d’enfants furent ensuite rejetés par la mer vers le rivage sablonneux, en bas des murs du monastère italien de Trabzon, et enterrés par des Grecques dans le sable même où ils furent découverts. »

De son côté, Gorrini, consul général d’Italie à Trabzon, dans un rapport détaillé,

attire l’attention sur le fait que :

« les enfants [furent] arrachés à leurs familles […], placés par centaines sur des bateaux en n’ayant qu’une chemise, puis chavirés et noyés dans la Mer Noire et la rivière Degirmendere – tels sont mes souvenirs ineffaçables de Trabzon, souvenirs qui continuent, à un mois de distance, de tourmenter mon âme et me rendre presque fou […] »

Le consul d’Autriche-Hongrie, Ernst von Kwiatkowski, et le consul d’Allemagne, Heinrich Bergfeld, tous deux alliés en temps de guerre de la Turquie ottomane, respectivement docteurs en histoire et en droit, firent référence, via de nombreux télégrammes chiffrés adressés à Vienne et Berlin, à ces « femmes et enfants chargés sur des embarcations, conduits en haute mer, puis noyés ». Le colonel Stange, officier combattant allemand le plus haut gradé, dont le régiment de troupes turques irrégulières fut d’abord rassemblé à Trabzon, confirma personnellement ces opérations de noyades [auf’s Meer hinausgefahren und dann über Bord geworfen]. Après avoir dénoncé dans son rapport secret, envoyé à l’état-major allemand, ces actes de « brutalité bestiale » [qui] furent perpétrés par la « pègre » [Gesindel] de Trabzon et des « criminels » libérés des prisons, il conclut que toutes ces opérations font bel et bien partie d’un plan général de massacre systématique « conçu de longue date » (9). Faisant écho aux preuves prima facie que produisaient les audiences de la Cour martiale d’après-guerre, le journal turc Hadisat souligna l’aspect tridimensionnel des atrocités commises à l’encontre des enfants arméniens de Trabzon : viols collectifs, empoisonnements et noyades (10).

Autres sites de noyades et de viols collectifs

Les opérations de noyade ne se limitèrent pas aux mers ou aux rivières ; elles s’étendirent aussi aux lacs. Le rapport du consul des Etats-Unis à Harpout, Leslie A. Davis, est éloquent à cet égard. Dans sa longue analyse du génocide qui eut lieu dans sa juridiction, la province d’Harpout, il décrit comment les orphelinats dans lesquels les enfants arméniens furent rassemblés après la liquidation de leurs familles, servirent de camps de transit pour une destruction ultérieure au moyen des noyades. Il développe le fait que le consul Davis demanda auprès du gouverneur général de la province d’Harpout, Sabit, l’autorisation d’ouvrir un orphelinat pour les « centaines d’orphelins arrivant sans cesse d’autres lieux […] ». Prétextant que le gouvernement prendrait soin d’eux, le gouverneur refusa son autorisation. Peu de temps après que le consul ait quitté le bureau du gouverneur, ordre fut donné que tous les enfants, ainsi que le reste des femmes, partissent le mardi suivant, à savoir, sous trois jours. « Puis les enfants disparurent et l’on rapporta qu’ils avaient été conduits vers un lac à une trentaine de kilomètres d’Harpout et noyés. »

Le consul Davis décrit ensuite une scène horrible de boucherie aux alentours du lac de Goeljuk, « situé à cinq heures environ » de son poste à Harpout. « Finalement, un Turc m’apprit de la façon la plus confidentielle qu’il avait vu des milliers de cadavres autour du lac de Goeljuk et proposa de me conduire vers les lieux où ils se trouvaient. » Le consul estime qu’ « en l’espace de vingt-quatre heures, nous découvrîmes les restes d’au moins dix mille Arméniens qui avaient été massacrés autour du lac de Goeljuk. Il s’agit, bien sûr, d’une approximation […] Mais je suis certain qu’ils étaient plus nombreux, plutôt que l’inverse… » Après avoir décrit les blessures béantes dues aux coups de baïonnettes sur la plupart des corps dénudés, habituellement dans l’abdomen ou dans la poitrine, parfois dans la gorge, les victimes montrant « les signes de mutilations barbares », le consul Davis déclare : « Ce qui eut lieu aux abords du magnifique lac Goeljuk, durant l’été 1915, est quasi inconcevable. Des milliers et des milliers d’Arméniens, pour la plupart des femmes et des enfants innocents et sans défense, ont été massacrés sur ses rives et mutilés de façon barbare. » (11)

Autre centre de massacre au moyen de la noyade, qui impliqua en particulier des enfants, les gorges de Kemakh sur l’Euphrate, à quelque 50 kilomètres au sud-ouest d’Erzindjan [Erzinçan], dans la province d’Erzeroum. Une grande partie de la population arménienne de cette province, entre 20 et 25 000 habitants, en particulier d’Erzindjan, fut massacrée dans ces gorges étroites avec l’aide de troupes irrégulières, autrement dit, les criminels enrôlés dans le 86ème Régiment de cavalerie de la 29ème Division du 9ème Corps d’armée de la 3ème Armée ottomane, dont l’état-major se trouvait à Erzeroum. S’appuyant sur « un rapport consulaire », l’ambassadeur des Etats-Unis en Turquie, Morgenthau, précise que, dans les gorges de Kemakh, « des centaines d’enfants furent tués à coups de baïonnette par les Turcs et précipités dans l’Euphrate […] » (12)

Un nombre tout aussi conséquent d’enfants arméniens fut anéanti au moyen des noyades en masse sur la partie inférieure de l’Euphrate, en Mésopotamie, en particulier dans la région de Deir-es-Zor, l’équivalent arménien d’Auschwitz. D’après le témoignage d’un survivant arménien, le chef de la police de Deir-es-Zor, Mustafa Sidki, sélectionna le 10 août 1916 les filles les plus jolies dans un convoi de déportés. Elles furent amenées à un pont sur l’Euphrate, où le chef de la police et ses complices les violèrent. Les victimes furent ensuite jetées dans la rivière pour y être noyées. Ce même chef de la police ordonna « le 24 octobre 1916, que quelque 2 000 orphelins arméniens fussent conduits sur les rives de l’Euphrate, pieds et poings liés. Ils furent alors jetés dans la rivière deux par deux, à la satisfaction manifeste du chef de la police, qui prit un plaisir particulier au spectacle de ces noyades tragiques » (13).

Ainsi que nous l’avons vu, en lien avec les atrocités commises à Trabzon, le viol, sous toutes ses formes, fut l’une des conséquences les plus fréquentes du génocide arménien. Comme le reconnut le lieutenant turc Hasan Maruf devant les Britanniques qui l’avaient fait prisonnier, « les cas de viols des femmes et des jeunes filles y compris en public, sont très nombreux. Elles sont systématiquement assassinées après cette agression. » (14) Comme ce fut le cas à Trabzon, des milliers de jeunes filles furent transportées à Constantinople, depuis toute l’Anatolie, à des fins multiples impliquant les relations sexuelles. Une Autrichienne habitant à Tarse, près d’Adana, Madame Christie, rapporte dans son Journal qu’un grand nombre de jeunes filles furent raflées dans les écoles de la ville et mises à disposition des officiers dans la caserne locale. « Plus d’une centaine d’entre elles furent emmenées à Constantinople dans des automobiles. » L’une d’elle, âgée de 15 ans environ, parvint à échapper au sort des autres (15). Dans les déserts de Mésopotamie, dans le triangle formé par les fleuves de l’Euphrate et du Khabour qui se rejoignent près de Deir-es-Zor, le viol était de règle. D’après un survivant, par exemple, le maire de Ras-ul-Aïn, Hüseyin Bey, un Tchétchène, se vantait d’avoir à lui seul violé entre 50 et 60 jeunes Arméniennes. Ses deux fils l’imitèrent à l’envi (16).

Autre lieu de viols à grande échelle, l’utilisation et l’abus des églises arméniennes comme bordels provisoires. Les jeunes Arméniennes y étaient regroupées et mises à la disposition des officiers et des soldats turcs. Comme le rapporta un pharmacien suisse dans la ville d’Ourfa, par exemple, « la vaste église arménienne grégorienne, un lieu saint pour les Arméniens, fut réduit à l’état de bordel. Des officiers militaires, des gendarmes, des officiers de police et des habitants turcs de la ville venaient là choisir des filles pour leur satisfaction sexuelle. » (17) Un épisode similaire de désacralisation à des fins sexuelles est décrit par un capitaine de l’état-major turc, Nebil Bey. Quelque 300 jeunes filles, précise-t-il, « appartenant aux meilleures familles de Bitlis », furent rassemblées dans l’église arménienne de la ville « pour servir l’armée. Les soldats comme les officiers se rendaient à l’église, qui devint rapidement un foyer de maladies. Chaque régiment qui traversait la ville en route vers le front y laissa des traces, si bien qu’après quelque temps toutes ces malheureuses furent infectées. »

Résultat, le commandant de Bitlis décida de punir ces jeunes filles « pour avoir épuisé les forces vitales de l’armée ottomane et empoisonné par leurs infections les fils de la patrie ». Certaines de ces jeunes filles se virent proposer du poison, les autres furent abattues séance tenante. Le capitaine ajoute que tout cela fut accompli sur ordre du commandant en chef de la 3ème Armée, le général Mahmud Kâmil (18). La permission accordée aux militaires et aux civils turcs de violer, comme bon leur semblait, chaque jeune fille arménienne contribua grandement à la mortalité, du fait de l’épuisement. Comme le reconnut un officiel d’un tribunal turc, à Ourfa, « 95 % de soldats sur un groupe d’une centaine […] moururent d’épuisement et de maladie, suite à des viols excessifs » (19)

La dimension des viols homosexuels

La licence sexuelle dominante durant le génocide arménien ne se limita pas au viol des jeunes Arméniennes. Un pharmacien suisse, demeuré à Ourfa durant toute la guerre et qui voyagea très souvent dans la région, affirme que le viol homosexuel généralisé se produisit en liaison avec les massacres génocidaires et au sein même des familles turques, abritant de jeunes garçons arméniens adoptés. « Les officiers turcs, en particulier, précise-t-il, s’adonnèrent à des pratiques inconcevables et innommables d’échanges [sexuels] de jeunes filles arméniennes, mais l’on ne saurait s’imaginer l’ampleur des crimes sexuels contre nature infligés à des centaines, sinon des milliers, de garçons arméniens. » Il déclare aussi que « bien après que les massacres aient cessé, les viols, les déflorations de jeunes filles vierges et autres formes d’agression sexuelle, en particulier sur les jeunes garçons, perdurèrent. » (20)

Les deux récits suivants de ce même pharmacien suisse illustrent les modalités de viol indiquées ci-dessus. Un garçon arménien, adoptée par une famille turque de Mezreh, dans la province d’Harpout [l’actuelle Elaziğ – NdT], consigna par écrit les viols commis régulièrement par un Turc, en toute connaissance de cause de son épouse, dans ce foyer. Autre exemple fourni, un hodja – maître d’école musulman – qui se livre à des tentatives de viol (21). L’autre modalité concerne le viol précédant le meurtre. Dans la province d’Ankara, près du village de Bash-Ayash [Başayaş], deux meurtriers violeurs – un criminel, Deli Hasan, et un gendarme, Ibrahim – violèrent douze garçons, âgés de 12 à 14 ans, qu’ils tuèrent ensuite. Ceux qui ne mouraient pas sur-le-champ furent torturés à mort, s’écriant : « Maman ! Maman ! » (22)

Rappelons enfin un autre exemple d’empoisonnement en masse d’enfants, décrit plus haut en lien avec le cas de Trabzon. Une survivante de Giresun relate comment à Aghn [Egin], environ 500 orphelins arméniens, raflés à travers toute la province, furent empoisonnés avec l’accord du pharmacien et du médecin du lieu. Concernant l’exécution de cette opération de mort, le médecin turc aurait déclaré : « Les Arméniens n’ont pas de cimetières ! C’est l’Euphrate qui est le leur ! » [Ermenilerin topragý yoktur Onlarýn mesarý Yepraddýr] (23).

L’extermination des enfants arméniens

L’enfer des immolations en masse par le feu

Comme nous l’avons rappelé au début de cette étude, les décideurs et organisateurs du génocide arménien étaient déterminés à être aussi radicaux que possible dans leur programme d’extermination systématique. Ils furent désagréablement surpris de découvrir combien peu efficaces furent les massacres partiels de l’époque du sultan Abd ul-Hamid II, durant les années 1894-1896, et comment les Arméniens, loin d’avoir été durablement handicapés, rebondirent en l’espace de deux décennies en tant que communauté viable et active. Afin d’éviter une erreur similaire et rendre le génocide projeté aussi optimal que possible en termes de résultat, ils imaginèrent un mécanisme inédit : la libération de milliers de criminels détenus dans les prisons de l’empire. Ces derniers devaient être aussi pervers que possible, afin de ne pas succomber à des sentiments occasionnels de compassion envers les vieillards, les femmes et les enfants, et les massacrer sans discrimination et sans pitié aucune. Ils furent rejoints par des milliers de Kurdes et d’immigrés expulsés du Caucase, en particulier des Tchétchènes de cette région et de la péninsule des Balkans. Tous ces groupes nourrissaient une haine des Arméniens contre lesquels ils projetaient leur animosité anti-chrétienne, héritée de leur conflit avec la Russie chrétienne ou les nationalités chrétiennes de la péninsule balkanique, dont ils avaient été chassés ou qu’ils avaient choisi d’abandonner. Leur cupidité et leur appât du gain n’en étaient cependant pas moins féroces, de même que leur désir ardent de luxure et de sexualité débridée.

Via l’immolation en masse des orphelins arméniens s’exprimait surtout un sadisme diabolique. Une fois éliminé le reste de la population arménienne, ces vestiges constituaient une nuisance pour les perpétrateurs. Pour différentes raisons, l’on estima plus économique de mettre un terme à leur malheur en les brûlant en masse. Dans quatre provinces – Diyarbakir, Harpout [Kharpert, l’actuelle Elazığ – NdT], Bitlis et Alep – cette méthode fut appliquée avec une cruauté sans égale. A Diyarbakir, par exemple, le docteur Reshid, un Tcherkesse originaire du Caucase, et le gouverneur-général de la province « prirent 800 enfants et les enfermèrent dans un bâtiment auquel ils mirent le feu » (24). Le fait que ce genre d’atrocités ne se limitait pas à brûler vifs des victimes est prouvé par l’extrait suivant du Journal d’un missionnaire catholique français, qui se trouvait là durant ces massacres, à savoir de juin à décembre 1915 :

« Dans cette province, il était habituel d’enterrer vivants des centaines d’enfants, âgés de 7 à 13 ans, dans de vastes fosses et simultanément. Passé un délai de plusieurs jours, l’on pouvait voir les ondulations de la terre qui traduisaient l’agonie de ces âmes, s’agitant depuis les entrailles de leurs hécatombes. » (25)

Autre exemple, d’après le récit d’un témoin oculaire à Furuncular, dans le district de Malatya, province d’Harpout, les gendarmes brûlèrent vifs dans une grande fosse, aménagée au préalable, une centaine d’enfants arméniens, âgés de 3 à 4 ans. Pressentant leur mort imminente, les victimes se mirent à crier de manière hystérique et désespérée, tandis qu’elles étaient jetées dans la fosse, située dans un endroit nommé, triste ironie du sort, le « Jardin des enfants » [Çocuklar-Bahçesi]. Cette atrocité fut néanmoins réalisée en quelques minutes seulement (26). Dans la province d’Harpout, le préfet Kadri « fit brûler vifs 800 enfants originaires de Palou », localité située dans la province de Diyarbakir (27).

Lors d’une de ces interminables marches de mort, de Deir-es-Zor jusqu’aux deux principaux camps de mort situés dans les déserts de Mésopotamie, à Souvar et Shedadiye, quelque 5 000 enfants arméniens furent brûlés vifs dans un enfer de feu et de mort. Quatre jours durant, environ 60 000 déportés décharnés furent conduits vers ces camps. Le 25 août 1916 (ou le 7 septembre 1916, selon le nouveau calendrier), jour de la fête musulmane du Sacrifice [kurban bayrami], les orphelins furent regroupés et entassés dans un vaste orphelinat à Deir-es-Zor. Puis ils furent amenés par convois dans un lieu situé à une heure de la ville, arrosés de pétrole et brûlés vifs (28). Cette méthode d’extermination par immolation ne se limita pas néanmoins aux enfants. Comme le précise un témoin oculaire juif, elle fut infligée à la même époque et dans cette même région de Deir-es-Zor à des foules d’autres Arméniens, principalement des femmes.

Ce témoin, Eitan Belkind, était officier dans l’armée turque et fut nommé à l’état-major de la 4ème Armée ottomane, dont la juridiction comprenait Alep, les déserts de Mésopotamie et Deir-es-Zor, en particulier. Il fut affecté au voisinage du Khabour, qui traverse Suvar et Shedadiye.

Voici son récit :

« Après un périple de trois jours, j’atteignis le cœur de la Mésopotamie où je fus témoin d’une tragédie horrible […]. Les soldats tcherkesses ordonnèrent aux Arméniens de ramasser des aubépines et des chardons, puis de les empiler de manière à former une haute pyramide […]. Après quoi, ils lièrent par les poings tous les Arméniens qui se trouvaient là, quelque 5 000 âmes, les regroupèrent en cercle autour de l’amas d’aubépines et de chardons, auquel ils mirent le feu, créant un brasier qui s’éleva jusqu’au ciel, au milieu des hurlements de ces désespérés, brûlés vifs par les flammes […]. Deux jours après, je revins à cet endroit et découvris les cadavres calcinés de milliers d’êtres humains. » (29)

Un officier allemand de haut rang, le colonel Ludwig Schraudenbach, commandant la 14ème Division ottomane, qui opérait surtout en Mésopotamie, relate dans ses Mémoires d’après-guerre une autre méthode d’immolation. « Les enfants, précise-t-il, furent placés entre des planches de bois, auxquelles ils furent attachés, puis brûlés vifs. » (30) Mais c’est dans la province de Bitlis qu’eurent lieu les opérations d’immolation d’enfants les plus conséquentes. La participation en masse de certains groupes tribaux kurdes à ces opérations causa des ravages au sein de la population victime. Cette extermination fut lancée par le gouverneur-général de la province, Mustafa Abdulhalik (Renda), qui se trouvait être le beau-frère du ministre de l’Intérieur, futur Grand Vizir, Mehmed Talaat Pacha, le principal architecte du génocide arménien. L’évêque catholique arménien de Trabzon témoigne :

« Après avoir rassemblé un millier de jeunes enfants, le gouverneur-général Mustafa Abdulhalik les conduisit vers un endroit nommé Tashod, où il les fit brûler vifs en présence de notables et d’une multitude de Turcs, tout en hurlant ces mots : « Il est nécessaire d’effacer une fois pour toutes le nom Arménien dans ces provinces pour la sécurité de la Turquie ! »

Leurs restes, ainsi que ceux qui étaient encore en vie, furent ensuite jetés dans des fosses spécialement aménagées ; les gémissements de ceux qui n’avaient pas été totalement brûlés se firent entendre des jours durant. » (31)

Deux témoins oculaires européens relatent de même ces atrocités par immolation. La missionnaire suédoise Alma Johansson, en charge de l’orphelinat allemand de Moush, précise que les orphelins arméniens, ainsi que le personnel de l’orphelinat, furent « brûlés vifs » [lebendig verbrannt]. « Entendre les cris de ces gens et des enfants en train de brûler vifs chez eux nous déchirait le cœur. Les soldats prenaient beaucoup de plaisir à les entendre […] » (32). De son côté, le médecin allemand H. Stoffels, membre du Corps expéditionnaire perse, rapporta auprès du consul d’Autriche à Trabzon que, sur sa route vers Mossoul, il découvrit à Moush (et Siirt, située dans la même province) « un grand nombre de localités anciennement peuplées d’Arméniens, dans les églises et maisons desquelles il découvrit les cadavres carbonisés et décomposés de femmes et d’enfants » [verkohlte und verweste Frauen- und Kinderleichen] (33).

Citons encore un major vénézuélien qui offrit volontairement ses services à l’armée turco-ottomane durant la Première Guerre mondiale et qui fut affecté dans les zones de Bitlis, Van et Moush en tant qu’inspecteur général des forces turques en Arménie. Il relate dans ses Mémoires qu’à Moush « des femmes et des enfants furent parqués et brûlés vifs […] » (34). Mais le témoignage oculaire peut-être le plus décisif sur l’extermination réelle des enfants arméniens à Moush, province de Bitlis, émane d’un commandant de l’armée turque, le général Mehmed Vehib. Suite à l’exécution de la majeure partie du génocide arménien, il fut nommé commandant en chef de la 3ème Armée en février 1916. Vaillant officier, il fut consterné de réaliser qu’à cause de lui, toute une nation avait quasiment disparu de cette terre. Un massacre local de soldats arméniens, affectés à un bataillon de travaux forcés, dans sa juridiction, l’incita à conduire une enquête, instaurer une cour martiale et faire exécuter deux génocidaires. Dans son rapport d’après-guerre détaillé, préparé à la demande du Tribunal militaire turc, il donne un aperçu de la nature du génocide qui eut lieu dans les régions des six provinces orientales soumises à l’autorité de la 3ème Armée. Dans ce rapport, le général Vehib témoigne de ce qu’il vit personnellement lors d’une tournée d’inspection :

« Les femmes et les enfants arméniens furent brûlés vifs dans le village de Tchurig, situé à 5 kilomètres au nord de Moush. »

Il découvrit les restes calcinés des victimes et déclara, indigné : « L’on trouverait difficilement dans l’islam un parallèle avec une telle atrocité et une telle sauvagerie. » [Tarihi Islamda misli örülmemis bir zulum ve vahset] (35).

Une autre source militaire turque, des plus crédible, confirme ouvertement et sans équivoque l’extermination radicale à laquelle les Arméniens de Moush et 98 villages arméniens de la plaine de Moush furent soumis – avec cet alibi douteux selon lequel « des unités arméniennes armées attaquaient les soldats et les villages turcs ». Cette source révèle aussi les opérations d’immolation à grande échelle qui furent menées par Küçük Kâzým, lequel, d’après cette source turque, « incendia toute la vallée de Moush et anéantit les Arméniens » (36).

Les éléments qui facilitèrent les atrocités visant les enfants arméniens

Comme il est de règle, le niveau de réussite d’un génocide repose, toutes choses étant égales par ailleurs, sur le degré d’absence de pitié, confinant à la perversion, avec laquelle le crime est conçu, organisé, supervisé et mis en œuvre. Toutefois, plus souvent qu’on ne le croit, c’est au niveau de la mise en œuvre que le succès final est évalué et décidé. Comme nous l’avons vu plus haut, un grand nombre des perpétrateurs du génocide arménien furent hautement motivés par leur engagement. Frustration, agression déplacée, haine, cupidité et, dans un mesure non négligeable, conditionnement culturel à une violence primordiale constituèrent un ensemble de facteurs, lesquels convergèrent au sein d’un élan atavique pour le génocide.

Un rapide examen du modus operandi de Salih Zeki, mutassarif [gouverneur] de Deir-es-Zor et cheville ouvrière de la seconde phase du génocide arménien dans les déserts de Mésopotamie durant l’été 1916, livre quelques aperçus sur ce genre de motivations. A plusieurs reprises, il reprocha à ses subalternes tchétchènes leurs insuffisances en matière de cruauté et de perversion. A Deir-es-Zor, par exemple, il rassembla ses exécutants tchétchènes et leur intima de ne plus se laisser influencer par la pitié ou séduire par la corruption, aidant ainsi certains Arméniens à échapper à leur sort.

Il gagna ensuite à cheval une tente voisine, s’empara d’un enfant arménien âgé de deux ans, l’apporta aux Tchétchènes et déclara :

« Même cet innocent – à supposer qu’il soit possible de considérer comme innocent un rejeton arménien, car ces fils de putes ne sont plus innocents – doit être tué, comme tous les autres de son âge, sans pitié !

Un jour viendra où ils se lèveront, pourchasseront les responsables pour les massacres des Arméniens et se vengeront ! »

Puis il fit tournoyer à plusieurs reprises l’enfant dans les airs et lui fit heurter violemment le sol.

Une autre fois, il sermonna à nouveau ses aides tchétchènes et arabes, leur interdisant strictement de relâcher leurs efforts et de permettre à quelque Arménien que ce fût de s’enfuir :

« Quel besoin avez-vous de bakchichs ? Si c’est de l’argent que vous voulez, tuez-les d’abord et ensuite vous aurez tout leur argent et leurs biens ! Tuez-les d’abord et vous aurez ensuite tout ce qu’ils possèdent ! […] Vous rendez service à l’empire ! Votre travail est donc légitime ! Vous avez accompli votre mission, mais sachez que si l’un de ces fils de putes, encore petit garçon, reste en vie, il se vengera un jour ! » (37)

Salih Zeki s’appuya presque entièrement sur les tribus tchétchènes qui vivaient principalement à Sefa, au sud-est de Ras-ul-Aïn et qui avaient, à l’origine, émigré du Caucase. Les chefs des gouvernements locaux à Ras-ul-Aïn, Suvar, Shedadiye et Hassiche, furent ses complices les plus proches. En outre, il coopta le député de Deir-es-Zor, le gouverneur d’Aneh, les commandants Salahaddin et Ali Bey, le colonel de cavalerie Hasan, le lieutenant de cavalerie Tevfik, le commandant Mustafa de la garnison de Deir-es-Zor, le chef de la police d’Aneh, Bedri, l’inspecteur de police Balsidi, ainsi qu’une dizaine d’officiers de police (38).

Cette sous-culture, composée de barbarie primordiale, joua pleinement dans plusieurs cas qui furent recensés par des témoins oculaires étrangers et des survivants arméniens. Un chroniqueur allemand rapporte ainsi comment des gendarmes extirpèrent les cerveaux d’enfants arméniens qui étaient à la traîne derrière les convois, en leur brisant le crâne (39).

Citons encore trois autres exemples sur les tueries des gorges de Kemakh, de sinistre réputation, près d’Erzinçan, fournis par deux survivantes arméniennes :

  1. 25 mai 1915

« Dans la plaine voisine de la passe de Kemakh, où nous campions, les gendarmes entrèrent dans une tente voisine et, désireux de s’emparer d’une très belle fille, Armine, ils massacrèrent son père, son frère et deux jeunes neveux. Armine fut emmenée et ne revint jamais. »

(Yepraksi Yanikian)

  1. 26 mai 1915

« Au même endroit, en plein jour, deux gendarmes tuèrent à coups de baïonnette Aram Kasbarian et emmenèrent sa très belle femme. Son fils, âgé de six ans, qui pleurait et criait auprès du corps en sang de son père, fut emmené lui aussi, puis un long bâton en bois fut introduit de force dans son rectum et il fut exhibé de la sorte devant la foule aux cris de : ‘Voici votre drapeau !’ »

(Yepraksi Yanikian)

  1. 26 mai 1915

« Au même endroit, plusieurs gendarmes arrachèrent de force des bras de sa mère le jeune Mesrop, âgé de cinq ans, et lui clouèrent sur une armature en bois les yeux, les mains et les pieds. Puis il fut élevé au milieu de la foule aux cris de : ‘Voilà votre Christ et sa Croix ! Qu’il vienne vous sauver !’ »

(Arevalouys Pachalian) (40)

Mabel Evelyn Elliott, médecin américaine qui exerçait à Istanbul durant l’armistice en qualité de directrice médicale du Near East Relief [Secours pour le Proche-Orient] et déléguée des hôpitaux américains pour femmes, rapporte dans ses Mémoires des études de cas qu’elle [effectua] au Refuge pour jeunes filles arméniennes à Üsküdar, ville située sur la rive asiatique d’Istanbul, là où Florence Nightingale jeta les bases de la Croix-Rouge et la tradition de l’infirmerie moderne. Ces cas concernèrent près de 150 survivantes, victimes du génocide arménien, présentées comme des « jeunes filles-enfants » par le docteur Elliott :

« Il faut vous les représenter comme je m’en souviens, passant, l’une après l’autre, par mon cabinet de consultation. D’aimables jeunes filles, les cheveux brossés et les ongles des mains brillants, s’exprimant à voix basse et portant avec un goût instinctif leurs vêtements d’emprunt. Aucune d’elles n’avait parlé à personne de leur vécu durant la guerre. Pour la première fois, leur réticence fut ébranlée, nécessairement, par des questions d’ordre professionnel et, lorsqu’elles se mirent à parler, ce fut comme si elles ne pouvaient plus s’arrêter. Déversant toute leur histoire.

Ce que j’appris était véritablement incroyable. Un médecin voit plus profondément dans les abîmes de la société humaine que quiconque, excepté un prêtre, mais je ne connaissais que l’Amérique… Chose tout aussi incroyable, le fait que ces jeunes filles aient vu et enduré [tant d’horreurs] et survécu, assises là pour en parler. Leurs récits ne différaient guère ; la différence résidait dans leur tempérament ainsi dévoilé. Certaines s’asseyaient calmement, les mains jointes, parlant sans cesse à voix basse, pâlissant de plus en plus, jusqu’à ce que le sang s’effaçât de leurs lèvres. D’autres s’agitaient, perdant peu à peu tout contrôle et finissaient par hurler et éclater en sanglots.

Mieux valait pour elles déverser cette amertume si longtemps contrainte derrière leur silence. Je ne les arrêtai pas. Je me tenais assise dans cette petite pièce blanche et j’écoutais… Alors se présenta une autre fille, dont l’histoire n’était pas dénuée d’une incroyable invraisemblance. Les paupières closes, c’est la jeune fille la plus belle que j’aie vue au sein d’un peuple renommé pour la beauté de ses femmes. Ses traits ressemblaient à ceux que nous ont préservé les ciseaux des grands artistes de l’Antiquité; sa peau était pareille à celle d’un enfant et son corps n’était que lignes harmonieuses. Mais, lorsqu’elle ouvrait les yeux, l’on avait peine à la regarder. Un de ses globes oculaires pendait hors de son orbite d’une manière si grotesque que l’on songeait à une gargouille… Je n’arrivais pas à le croire. J’avais grandi, accoutumée à entendre des horreurs comme jamais, mais celle-ci était incroyable. Lorsqu’un couteau ou un fer rougi aurait servi dans ce but, pourquoi recourir à une opération chirurgicale aussi délicate ? Il s’agit là d’une question à laquelle je ne puis répondre ; une question dont la réponse est si ancrée dans le caractère turc que seul un Turc pourrait y répondre. Car, lorsque j’examinai cet œil, je reconnus sans aucun doute que son histoire était véridique. Les cicatrices microscopiques étaient bien là, parmi les muscles ténus de son œil. Quelque chirurgien entraîné et habile avait fait usage de son art sur la table d’opération pour rendre cette jeune fille hideuse. Il fit cela, tandis que des centaines de soldats turcs, blessés au combat pour leur pays, mouraient par manque d’aide chirurgicale. » (41)

Une telle manifestation de haine séculaire condensée, muée en sadisme professionnel, ne saurait être dissociée d’un système social dans lequel la haine était entretenue, alimentée et même récompensée. Les données complémentaires recueillies par le docteur Elliott et ses commentaires afférents attestent ce fait, éclairant parallèlement le ciblage diabolique et atroce des enfants, en tant que partie intégrante d’un génocide organisé.

Renvoyons enfin à un rapport adressé au Département d’Etat des Etats-Unis par un autre médecin américain, le docteur George B. Hyde, de la Croix-Rouge américaine, qui était en poste en Cilicie en 1919. En 1920, il informe le Département d’Etat et aussi le sénateur Warren Harding, peu avant que ce sénateur républicain de l’Ohio ne soit élu 29ème Président des Etats-Unis, des représailles exercées contre les enfants arméniens, durant la Première Guerre mondiale. Il déclare qu’il « a traité plusieurs centaines d’enfants chrétiens des deux sexes, âgés de 5 à 12 ans, sur lesquels les Turcs ont commis les pires outrages. » Il estime qu’au moins « 9 sur 10 de ces victimes de la sauvagerie turque ont certainement péri » (42).

Rares exceptions de Justes turcs

L’ampleur du nombre de victimes du génocide arménien témoigne de l’échelle du succès de cette entreprise de mort, de la part du régime ittihadiste Jeune-Turc. Mais elle atteste aussi du petit nombre de Justes turcs, dont l’engagement en nombre significatif eût pu faire la différence dans l’issue de ce génocide. Il est vrai qu’il y avait des ordres stricts et des menaces très rigoureuses visant un tel engagement ; or les opportunités de circonvenir de tels ordres furent tout aussi conséquentes. Clivages religieux et provocations en temps de guerre à l’encontre des Arméniens se combinèrent afin d’empêcher l’intervention d’un nombre significatif de Turcs pour intercéder ou aider directement les Arméniens ciblés en vue de destruction.

Quoi qu’il en soit, il est néanmoins vrai que, même lorsqu’une minorité négligeable tente de porter secours, ces gens courageux doivent être distingués et reconnus pour leur bienveillance. Les cas ci-dessous en sont des exemples éloquents. Ce qui ne signifie pas qu’ils soient complets et exhaustifs. L’un d’eux est à la fois frappant et émouvant.

Selon une information fournie par le Patriarcat arménien d’Istanbul, durant l’armistice, plusieurs officiers militaires turcs généreux, prenant de grands risques personnels, prirent la peine d’emmener avec eux et de remettre au Patriarcat plusieurs garçons et filles orphelins depuis des provinces aussi lointaines qu’Harpout, Alep et Diyarbakir. Autre exemple, un colonel osa transporter 11 petites filles jusqu’à Istanbul et les remettre au Patriarche (43). A Arabpunar, un major turc germanophone apprit à un employé allemand du Chemin de Fer Bagdad qu’il avait avec son frère recueilli et emmené avec eux une petite Arménienne, trouvée dans les rues de Ras-ul-Aïn. Il critiqua violemment les autorités pour ces atrocités que, dit-il, « notre Coran condamne » (44). Plus émouvant encore, l’histoire d’un mollah turc, juge et chef religieux à Moush, qui mourut en tentant de sauver des femmes et des enfants arméniens. Après avoir sélectionné et transféré les Arméniennes les plus jeunes et les plus jolies qu’une foule ameutée se préparait à brûler vives, Moussa Beg, célèbre chef d’une bande de brigands kurdes, s’apprêtait à immoler le reste dans le village d’Avzoud. Rappelant qu’aucune religion, fût-elle musulmane ou chrétienne, ne permet de brûler vifs des femmes et des enfants, le mollah intervint énergiquement afin de protester. Et, espérant que cela empêcherait un holocauste imminent, s’abrita dans le bâtiment même où les victimes avaient été regroupées. Les meurtriers ne firent que le tourner en ridicule et, sans se décontenancer, poursuivirent leur entreprise. Ainsi le mollah périt-il dans l’enfer qui s’ensuivit, ainsi que les autres victimes qu’il avait tenté de sauver. (45)

La victimisation génocidaire visant les enfants arméniens est également pertinente et significative au regard du sort final des enfants survivants. Des milliers de garçons arméniens furent adoptés dans des familles et élevés en tant que Turcs. Des dizaines de milliers de fillettes et de jeunes filles furent de même intégrées au sein de la nation turque en qualité de servantes, concubines pour les harems ou épouses légitimes, après avoir été converties à l’islam. Beaucoup d’autres dépérirent encore dans les orphelinats. Le thème des enfants arméniens en tant que victimes du génocide, pour être complet, nécessite d’être à nouveau exploré en termes d’étape finale de cette victimisation, à savoir le sort différencié des orphelins survivants, des concubines, des épouses et des convertis.

Notes

  1. Ahmed Refik Altýnay, Iki Komite Iki Kýtal [Deux Comités, deux massacres], Istanbul, 1919, p. 23. Il fut nommé à l’état-major général ottoman, 2ème Département, Contre-espionnage, en tant que lieutenant de marine. Après la guerre, il exerça en qualité de professeur d’histoire à l’université d’Istanbul et publia plusieurs ouvrages.
  2. Henry Morgenthau, Ambassador Morgenthau’s Story, New York : Garden City, 1918, p. 312.
  3. The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire 1915-1916. Documents presented to Viscount Grey of Fallodon. Secretary of State for Foreign Affairs by Viscount Bryce. [Compilés par Arnold Toynbee]. Londres : His Majesty’s Stationery Office. Miscellaneous N° 31 (1916), p. 90, 248, 323, 351, 374, 378, 385-6, 455, 485-6, 540, 553, 561. (Cette importante compilation a été rééditée en 2000 et est maintenant disponible auprès de l’Institut Komitas de Princeton, New Jersey.)
  4. Archives du ministère allemand des Affaires Etrangères – sigle A.A. Türkei 183/44, A25739 ; cote dans le nouveau système de cataloguage : R14093, n° 2463, adressé d’Alep à l’ambassade d’Allemagne à Constantinople (Istanbul), le 29 août 1916.
  5. Vahakn N. Dadrian, « The Framework : The Armenian Genocide : An Interpretation », in : Jay Winter, éd., America and the Armenian Genocide of 1915, Cambridge : Cambridge University Press, (à paraître) (ouvrage paru en 2004 – NdT). Voir la Section III, intitulée « The Case of Trabzon : A Microcosm of the Armenian Genocide ».
  6. Vahakn N. Dadrian, « The Turkish Military Tribunal’s Prosecution of the Authors of the Armenian Genocide : Four Major Court-Martial Series », Holocaust and Genocide Studies, vol. 11, n° 1 (Spring 1997), p. 39-42 (audiences concernant Trabzon).
  7. Vahakn N. Dadrian, « The Documentation of the World War I Armenian Massacres in the Proceedings of the Turkish Military Tribunal », International Journal of Middle East Studies, vol. 23, n° 4 (November 1991), p. 574, note 55 ; Archavir Sheeragian, Gudagun Err Nahadagneroun [Le Testament des Martyrs], Beyrouth, 1965, p. 262-263.
  8. U.S. National Archives [Archives Nationales des Etats-Unis] – RG59.867.4016/128. 28 juillet 1915 ; ibid., 4016/411, n° 169, 11 avril 1919.
  9. A.A. Botschaft Konstantinopel 170, enregistrement n° 3841, rapport du 23 août 1915.
  10. Edition du 2 avril 1919.
  11. Leslie A. Davis, The Slaughterhouse Province. An American Diplomat’s Report on the Armenian Genocide, 1915-1917. Susan K. Blair, éd. New Rochelle, N.Y., 1989, p. 64, 79, 82, 83, 87. Une copie de ce rapport en 132 pages, tapées à la machine, se trouve aux Archives Nationales des Etats-Unis – cote : RG59.867.4016/392. [Traduction française par Anne Terre : La Province de la mort : archives américaines concernant le génocide des Arméniens, 1915, précédé de : Lettre ouverte à Bernard Lewis et quelques autres, par Yves Ternon, éditions Complexe, 1994, 241 p. – NdT]
  12. Morgenthau, Ambassador [cf. note 2], p. 318. Voir aussi The Treatment [cf. note 3], p. 239.
  13. Vahakn N. Dadrian, « The Comparative Aspects of the Armenian and Jewish Cases of Genocide : A Sociohistorical Perspective », in : A.S. Rosenbaum, éd., Is The Holocaust Unique ? Perspectives on Comparative Genocide, Boulder, 1996, p. 131.
  14. British Foreign Office Archives [Archives du ministère des Affaires Etrangères de Grande-Bretagne] – cote : FO 371/2781/264888, Appendix [Supplément] B, rapport n° 1, p. 6-7.
  15. The Treatment [cf. note 3], p. 442-443.
  16. Raymond Kévorkian, « L’extermination des déportés arméniens ottomans dans les camps de concentration de Syrie-Mésopotamie (1915-1916). La deuxième phase du génocide », Revue d’Histoire Arménienne Contemporaine, n° spécial, vol. II, Paris, 1998, p. 109, 119.
  17. Bruno Eckart, Meine Erlebnisse in Urfa [Choses vues à Ourfa], Potsdam-Berlin, 1922, p. 18-19.
  18. Ararat, vol VI, n° 66, p. 422. La déclaration sous serment du capitaine Nebil se trouve dans les archives du Patriarcat arménien de Jérusalem. Dossier Zh, document 747, n° 49.
  19. Ephraim K. Jernazian, Judgment Unto Truth : Witnessing the Armenian Genocide, New Brunswick, N.J., 1990, p. 65.
  20. Jacob Künzler, Im Lande des Blutes und der Tränen. Erlebnisse in Mesopotamien Während des Weltkrieges [Au Pays du sang et des larmes. Choses vues en Mésopotamie durant la guerre mondiale], Berlin-Potsdam, 1921, p. 77, 87. Dans la nouvelle édition, publiée par Hans-Lukas Kieser, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 99, 108-109.
  21. M. Esmerian, Aksoree yev Baderazmee Guragneroun Metch [Dans les flammes de l’exil et de la guerre], Boston, 1952, p. 94-95, 105, 108-109.
  22. Haigachen Darekirk [L’année arménienne]. Vol. 1, 1922, p. 328. Les noms de quatre des victimes sont recensés dans cette source.
  23. Mariam Kokmanian, « Hayatchintch Sarsapner » [Atrocités lors de la campagne d’extermination des Arméniens], Djagadamard (journal arménien d’Istanbul), 17 janvier 1919.
  24. Morning Post (quotidien londonien), 7 décembre 1918.
  25. Thérèse Philippe Bresse, La Famine de la Syrie et le martyre de l’Arménie, Alexandrie, 1919, p. 8, 9.
  26. G. Kapigian, Yegernabadoum [L’Holocauste], Boston, 1924, p. 251-253.
  27. British Foreign Office Archives – FO608/244/8183, folio 407.
  28. Téotig, « Mius Merelotzu » [L’autre Journée de commémoration), in : Amenoun Daretzoutzu[Almanach pour tous], Istanbul, 1921, p. 315-319.
  29. Yaïr Auron, The Banality of Indifference : Zionism and the Armenian Genocide, New Brunswick, N.J., 2000, p. 181, 183.
  30. Ludwig Schraudenbach (colonel de réserve), Muharebe [Guerre], Berlin-Vienne, 1925, p. 351-352.
  31. Mémoires de Monseigneur Jean Naslian, évêque de Trébizonde, Vienne, 1955, p. 146, 413. Page 138 de ce même ouvrage, figure une description de l’immolation à Norshen, près de Moush, du Primat catholique arménien de Moush. Monseigneur Naslian se trouvait par hasard en Europe lors du génocide et put ainsi échapper à un sort similaire.
  32. A.A. Türkei 183/48, A34435 ; cote R14097 dans le nouveau système de cataloguage, rapport du 1er octobre 1917. Voir aussi : Germany, Turkey and Armenia. A selection of documentary evidence relating to Armenian atrocities from German and other sources, Londres, 1917, p. 26.
  33. Archives du ministère autrichien des Affaires Etrangères. 12 Türkei/380, folio 909, 26 mai 1917.
  34. Rafael de Nogales, Four Years Beneath the Crescent, traduction anglaise par Muna Lee, New York-Londres, 1926, p. 135.
  35. Vahakn N. Dadrian, « The Armenian Question and the Wartime Fate of the Armenians as Documented by the Officials of the Ottoman Empire’s World War I Allies : Germany and Austria-Hungary »,International Journal of Middle East Studies, vol. 34, n° 1 (February 2002), p. 76-77, p. 84 et 85, note 111.
  36. Ilhan Selçuk, Yüzbaþý Selahattin’in Romaný [Le Roman du capitaine Selahattin], Istanbul, vol. 1, 1993, p. 124.
  37. Kévorkian, « L’extermination » [cf. note 16], p. 190, item 47 ; p. 192, item 48.
  38. Ibid., p. 180, 184.
  39. Heinrich Vierbücher, Armenien 1915. Die Abschlachtung eines Kulturvolkes durch die Türken [Le Massacre d’un peuple cultivé par les Turcs], Hambourg, 1930, p. 58.
  40. Levon K. Daghlian, D.M.D. [docteur en médecine dentaire], Memories of the Holocaust, Boston, 1976, p. 48.
  41. Mabel Evelyn Elliott, Beginning Again at Ararat, New York, 1924, p. 20-26. Voir aussi Vahakn N. Dadrian, « The Role of Turkish Physicians in The World War I Genocide of Ottoman Armenians »,Holocaust and Genocide Studies, vol. 1, n° 2 (1986), p. 169-192.
  42. The Lausanne Treaty, Turkey and Armenia, ed. by The American Committee Opposed to the Lausanne Treaty, New York, 1926, p. 71.
  43. Bibliothèque Nubar, Paris. Archives du Patriarche Zaven Ier, 1914-1916. Dossier 288/P. 1, 2/6.
  44. A.A. Türkei 183/38, A 23991, ou R14087. Rapport de W. Spieker. En annexe au communiqué du consul d’Allemagne à Alep Rössler, daté du 3 septembre 1915. Cote : 183/38, A28019. Annexe n° 81.
  45. Henry Barby, Au pays de l’épouvante, Paris : Albin Michel, 1917, p. 96.

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Source : http://forum.hyeclub.com/showthread.php/13993-Children-as-Victims-of-Genocide-The-Armenian-Case-by-Vahakn-N.-Dadrian

Publié in Journal of Genocide Research, vol. 5, n° 3, 2003, p. 421-437 –http://www.tandfonline.com/toc/cjgr20/5/3

Traduction : © Georges Festa – 08.2011.

http://armeniantrends.blogspot.fr/2011/08/vahakn-n-dadrian-children-as-victims-of.html

NdT : Signalons la traduction de Louise Kiffer Sarian, où ne figure pas l’apparat critique http://ermeni.hayem.org/francais/enfantsvictimesdegenocides.htm

 

Photo

Enfants attendant dans la neige leur admission dans la « Cité des Orphelins », un spectacle quotidien dès l’aube jusque tard dans la nuit

In : James L. Barton, Story of Near East Relief, New York, 1930, p. 124

© www.genocide-museum.am