Fin du sexe, avenir de la procréation
Jacques Testart « Critique de science »
We Demain, mars 2017
Il fallait qu’un livre (1) venant de la Silicon Valley la proclame pour que la révolution prochaine dans la procréation soit enfin entendue : oui, demain, les enfants seront conçus au laboratoire et le sexe sera réservé au plaisir. La preuve que cela sera possible vient d’arriver avec la publication de chercheurs japonais relatant la fabrication de souriceaux apparemment normaux grâce à des gamètes (ovules et spermatozoïdes) obtenus à partir de cellules banales prélevées dans la queue de souris adultes (2). Ce succès, proprement bouleversant, vient rompre un vieux postulat des biologistes : la séparation inéluctable entre germen et soma, entre les cellules de la reproduction et toutes les autres cellules du corps. Quelques années seront nécessaires pour adapter cette méthodologie à l’espèce humaine et en assurer l’innocuité biologique pour les enfants. Alors, le nombre très réduit des ovules que peut actuellement délivrer une femme (un chaque mois et une dizaine après stimulation hormonale) pourra devenir illimité. C’est l’effectif des ovules qui détermine celui des embryons potentiels puisque les spermatozoïdes sont normalement surabondants (mais ils peuvent être fabriqués de la même manière), aussi l’assistance biomédicale pourra amener les couples à concevoir autant, ou davantage, de possibles descendants que les mouches ou les poissons… Mais, une autre conséquence d’importance apparait simultanément : cette fabrication réalisée hors du corps féminin fait l’économie de ce que les patientes de FIV (fécondation in vitro) nomment « parcours du combattant » à cause des actes médicaux éprouvants. Ici, un simple prélèvement de peau délivrera des milliers de cellules à transformer en ovules puis en embryons. Voilà qui bouleverse la pratique de la FIV, en éliminant les épreuves actuelles. Mais cela bouleversera surtout la pratique du DPI (diagnostic génétique préimplantatoire) lequel permet la sélection des embryons à l’issue de la FIV. En effet, ce tri des embryons gagne en efficacité quand il porte sur de nombreux embryons, permettant d’élargir en proportions le champ des caractéristiques recherchées. Alors, comme expliqué depuis plusieurs années (3) il y a toutes les raisons de penser que la plupart des enfants seront conçus en laboratoire bien avant la fin de ce siècle. J’ai aussi imaginé que les adultes pourraient être débarrassés de leurs gonades (ovaires ou testicules) devenus inutiles mais sources de cancers, afin de libérer leur sexualité des servitudes de la contraception…
extrait du Blog de Jacques Testart
1) Henry T Greeley : The end of sex and the future of human reproduction. Harvard Univ Press, 2016
(2) Orie Hikabe et al : Reconstruction in vitro of the entire cycle of the mouse female germ line. Nature 539, 10 novembre 2016
(3) Voir son livre Jacques Testart »Faire des enfants demain ». Seuil, 2014